La concurrence chinoise, un risque majeur pour les équipementiers européens
La Chine mène une concurrence offensive sur l’ensemble de l’industrie automobile européenne, soulignée par la Commission européenne. Deux enquêtes menées en 2024 par la Direction Générale du Commerce et de la Sécurité Économique confirment cette réalité préoccupante : fort de son avantage compétitif, la Chine déploie une stratégie coordonnée d’expansion à l’étranger, soutenue par des subventions qui faussent la concurrence dans l’industrie des pièces automobiles. Les importations de pièces automobiles en provenance de Chine n’ont cessé d’augmenter au cours des dix dernières années et représentaient déjà en 2024 une pièce automobile sur quatre importées en Europe. En 2014, l’UE affichait un excédent de 7,7 milliards d’euros sur les pièces détachées, en 2024 elle accuse un déficit de 1,6 milliard d’euros. En excluant l’Allemagne, le reste de l’Europe subit un véritable effondrement : le déficit a été multiplié par 15, explosant de 0,5 milliard à 7,6 milliards d’euros. Si l’on inclut les accumulateurs lithium-ion dans les pièces automobiles, le déficit commercial de l’UE avec la Chine grimpe à 21 milliards d’euros en 2024 (contre un excédent de 7,3 milliards d’euros en 2014). Sous cette pression, la menace de déseuropéanisation de la chaîne d’approvisionnement a été confirmée par l’enquête CLIFA de mars 2025. En moyenne, entre 30 et 50% de la production française et entre 15 et 30% de la production européenne des 108 équipementiers et fournisseurs ayant répondu sont menacés par la pression croissante exercée par les constructeurs pour déplacer leur approvisionnement vers les pays extracommunautaires à faible coût et en particulier vers la Chine.
L’Europe accuse un retard critique sur les politiques de contenu local
Le Gerpisa a constaté que 5 330 politiques de contenu local (PCL) ont été déployées dans 57 pays entre 2009 et 2024, alors que l’Europe ne représente que moins de 1% de ces mesures. Les leaders mondiaux que sont le Brésil, les États-Unis, l’Inde, l’Arabie saoudite, l’Indonésie, la Russie et le Canada ont compris cet enjeu stratégique, tandis que la Chine domine avec 75% des subventions directes mondiales. L’automobile est au coeur de cette révolution protectionniste : elle représente 14% de ces politiques, avec une accélération notable – de moins de 10 PCL annuelles avant 2008 à 70 entre 2019-2024.
Depuis la pandémie de Covid-19, le “de-risking” et la relocalisation des capacités de production stratégiques se généralisent, particulièrement dans le secteur pharmaceutique, les technologies propres et les véhicules électriques. Désormais, même les économies matures comme les États-Unis, le Japon et la Corée rejoignent les grandes économies émergentes dans cette course au contenu local, laissant l’Europe dangereusement à la traîne.
L’exigence d’une règle d’origine à 80% pour sauver la souveraineté automobile européenne
Les règles d’origine (RO) mises en oeuvre dans les accords de libre-échange constituent un modèle éprouvé de politique de contenu local. L’analyse par le Gerpisa de 10 accords conclus depuis 2016 (dont 7 actuellement en vigueur dans l’UE) révèle que les RO offrent un cadre robuste pour imposer des exigences de contenu local dans l’automobile. Ce système présente l’avantage d’être déjà effectif en Europe, offrant une base juridique solide pour développer une politique de contenu local automobile. Le CLIFA salue la volonté de la Commission européenne de “veiller à ce que l’avenir de l’industrie automobile reste fermement ancré en Europe”. Il l’appelle à suivre dès lors la recommandation du Gerpisa et à instaurer un seuil de 80% de contenu local pour définir ce que serait un véhicule léger et une pièce automobile “fabriqué en Europe” afin de préserver le niveau actuel de production européenne. Les batteries doivent bénéficier par ailleurs d’une RO spécifique qui sera fixée conformément au “paquet Booster” de l’UE et à l’objectif annoncé d’au moins 50% de valeur ajoutée le long de la chaîne de valeur des batteries fabriquées en Europe d’ici 2030. Combiné à la nécessité d’une politique européenne volontariste de compétitivité forte, cet outil vise à créer dès maintenant un cadre concurrentiel adapté aux réalités industrielles permettant à l’industrie automobile de rester ancrée en Europe. Cette nouvelle RO européenne et la définition d’un « fabriqué en Europe » doivent devenir un outil polyvalent essentiel, applicable :
● aux politiques commerciales pour exclure les voitures et les pièces détachées non “fabriquées en Europe” de la libre circulation des marchandises au sein du Marché Unique ;
● aux marchés publics européens, pour mettre en oeuvre efficacement un plan d’achat européen ;
● aux politiques visant à stimuler la demande de véhicules zéro émission, telles que les programmes de leasing social et les programmes de décarbonisation des flottes d’entreprise ;
● aux politiques d’incitation à l’achat des consommateurs ;
● dans le futur “Clean Industrial State Aid framework”, pour définir les critères d’éligibilité pour les acteurs étrangers ;
● dans le “FDI screening regulation”, pour réglementer la production automobile étrangère en Europe.
« Les chiffres révélés par le Gerpisa révèlent une hémorragie industrielle sur laquelle l’Union européenne et les Etats membres ne peuvent plus fermer les yeux. L’Europe doit urgemment adopter une politique de contenu local à 80%. Cette approche la dotera d’un levier unique éprouvé et robuste pour protéger et stimuler son industrie automobile à travers une large déclinaison d’instruments de politique économique. Notre souveraineté industrielle et nos emplois sont en jeu : il est temps de dépasser les déclarations d’intention et de passer très vite aux actes« , alertent les organisations du CLIFA.
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