La concurrence chinoise continue de s’intensifier en Europe
L’industrie européenne automobile est enlisée dans une crise qui non seulement persiste, mais s’aggrave. Les volumes de production demeurent largement inférieurs aux niveaux d’avant la pandémie, tandis que la pression des importations chinoises s’intensifie dangereusement. Au premier semestre 2025, la part de marché des constructeurs chinois a doublé pour atteindre 5% (7% en septembre 2025).i Mais l’offensive est encore plus brutale pour les équipementiers européens qui en paient le prix fort : les importations de composants en provenance de Chine ont explosé de 67% depuis 2021. Sous cette pression, en Europe, 76 000 licenciements ont été annoncés depuis 2024 chez les équipementiers et fournisseurs.ii
Dans ces conditions, pour la première fois en 2025, la balance commerciale avec la Chine pour les voitures neuves est devenue négative (2,3 milliards d’euros), alors qu’elle affichait un excédent de 15 milliards d’euros en 2022. La balance commerciale avec les pays hors UE autres que la Chine a au contraire augmenté en 2025 pour atteindre 95 milliards d’euros (contre 80 milliards d’euros en 2022).iii
La balance commerciale avec la Chine pour les pièces automobiles se détériore quant à elle plus rapidement que pour les voitures particulières (-3,4 milliards d’euros sur un an, entre 2024 et 2025 vs -2,4 milliards d’euros par an entre 2019 et 2024).iv
Au-delà des importations, deux dynamiques accentuent la pression sur la filière européenne :
● D’une part, la concurrence devient directe au sein de l’UE avec la multiplication d’implantations industrielles chinoises “tournevis” sans exigences harmonisées de contenu local : d’ici 2028, la capacité annoncée des constructeurs chinois en Europe atteindrait 1,1 million de véhicules par an (7 projets d’usines de constructeurs automobiles chinois déjà confirmés, 6 en négociation).
● D’autre part, les acquisitions de fournisseurs européens par des acteurs étrangers s’accélèrent : 16 milliards de dollars d’actifs automobiles européens ont été rachetés par des entreprises américaines et chinoises, tandis que les groupes européens n’ont investi que 1,6 milliards de dollars à l’étranger.v
Pour le CLIFA, l’addition de ces facteurs pesant particulièrement sur la chaîne d’approvisionnement génère un risque de perte irréversible de souveraineté et de désindustrialisation, avec 30 à 50 % de la production potentiellement menacée à cinq ans.vi
“Label Made in EU” : une feuille de route au service de la souveraineté industrielle
Aujourd’hui, une voiture sur quatre fabriquée en Europe doit déjà respecter des exigences de contenu local (règles d’origine préférentielles) pour être exportée vers plus de 25 pays. Pour ne plus subir l’offensive chinoise, le CLIFA souhaite la mise en place, selon la même logique, d’un label « Made in EU », applicable à toutes les voitures et pièces fabriquées et vendues dans l’Union.
1. Des seuils de contenu local garants de l’existant
Pour l’obtention de ce label « Made in EU », le rapport du Gerpisa préconise d’imposer un filet de sécurité avec un seuil de 80% de contenu local pour les voitures et une exigence moyenne de 70% pour les pièces. Ces planchers minimums ne changent rien à l’existant pour l’industrie, mais constituent un rempart essentiel pour maintenir l’approvisionnement européen et empêcher une
délocalisation massive au profit de l’Asie.
Aujourd’hui, selon le rapport du Gerpisa, le contenu local européen dans les voitures produites dans l’UE s’élève à 88% et à 77% pour les pièces (2022). Les seuils proposés offrent donc une marge de manoeuvre de 8 et 7 points respectivement, permettant aux industriels de s’adapter aux fluctuations du marché sans impact inflationniste pour les consommateurs. Mais il est urgent d’agir : sans ce filet de sécurité, rien n’empêchera ces taux de s’effondrer, vidant progressivement l’Europe de sa substance industrielle au profit de la Chine. Ces exigences, ajustables selon les différentes catégories de composants automobiles, sont le minimum vital pour préserver l’écosystème.
Pour les batteries et autres sous-domaines critiques, le rapport préconise une trajectoire spécifique tenant compte du niveau actuel de dépendance aux importations extra-UE et de la capacité industrielle prévisionnelle de l’Union.
2. Une feuille de route 2025-2030 en vue du déploiement du Label Made in EU pour les voitures et les pièces, structurée autour de trois grands axes stratégiques
Reprenant les recommandations du rapport du Gerpisa, le CLIFA demande la mise en place sans délai d’un calendrier d’intégration progressif mais ambitieux jusqu’à 2030 du label « Made in EU » dans l’ensemble des politiques européennes et nationales.
Ce calendrier doit permettre de :
● Soutenir la demande de véhicules « Made in EU » en inscrivant dans la réglementation une préférence claire en faveur de la production européenne, et ainsi d’enrayer la progression des parts de marché des marques chinoises.
● Conditionner les aides publiques au respect du contenu local en orientant fermement l’effort public sur les acteurs européens, et ainsi garantir que les fonds publics soutiennent effectivement l’emploi et la production sur le territoire européen.
● Protéger le marché européen des investissements et subventions étrangères en organisant la bonne régulation du marché face aux pratiques déloyales et ainsi limiter la multiplication d’implantations industrielles « tournevis » et les acquisitions massives de fournisseurs européens par des acteurs étrangers.
L’intégralité des mesures préconisées par le CLIFA figure dans le rapport du Gerpisa :
https://drive.google.com/file/d/1jjoJyR4dP16Waj3CWxt8xBAiuwO6Juwd/view?usp=sharing
« L’Europe a le choix entre deux scénarios : organiser dès 2026 un cadre cohérent où chaque aide publique, chaque marché public et chaque opportunité de marché renforcent structurellement sa production automobile, ou assister passivement à l’effondrement de son tissu industriel. Notre feuille de route transforme l’urgence en calendrier législatif qui place le contenu local au coeur de chaque instrument. Cette montée en puissance progressive jusqu’en 2030 fait du “Made in EU” la clé de voûte de notre réindustrialisation », alertent les organisations du CLIFA.
iEurostat, commerce de l’UE depuis 1988 par HS2-4-6 et CN8
ii CLEPA – Eurofund ; Gerpisa (2025)
iii Eurostat, commerce de l’UE depuis 1988 selon HS2-4-6 et CN8 / * Les données pour 2025 ont été extrapolées
sur la base des tendances du premier semestre.
iv Eurostat, commerce de l’UE depuis 1988 selon HS2-4-6 et CN8 / * Les données pour 2025 ont été extrapolées
sur la base des tendances du premier semestre.
v 2025 AlixPartners Global Automotive Outlook
vi ACOSS APE NA88
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